Cinq ans après sa création : quel bilan et quelles perspectives pour l’Opérateur national de vente (ONV) ?
Créé en 2019 dans le cadre de la convention quinquennale signée entre l’État et le Groupe Action Logement, l’Opérateur national de vente (ONV) est progressivement monté en puissance. Son directeur général, David Larbodie, et sa directrice générale adjointe, Florence Lourier, dressent un bilan de ses premières années d’activité. Ils soulignent l’impact des différentes crises sur les ventes Hlm,de la crise sanitaire de la Covid-19 à la crise immobilière, avec le retour de l’inflation et un pouvoir d’achat en berne. Ils évoquent également les mesures mises en œuvre par l’ONV pour accompagner les acquéreurs d’un logement Hlm ainsi que les dispositifs de gestion des nouvelles copropriétés.
Quelles sont les principales missions de l’Opérateur national de vente ?
David Larbodie : L’ONV a été créé en mars 2019 par Action Logement pour accélérer la vente Hlm en conformité avec l’objectif de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN) qui instaurait un nouveau paradigme économique en liant le financement de la production neuve de logements sociaux à la vente. Inscrite dans le cadre de cette loi, notre mission consiste à acheter en bloc des immeubles aux bailleurs sociaux pour les revendre à l’unité à des accédants à la propriété à revenus modestes avec une priorité donnée aux locataires occupants. Nous avons également pour objectif de travailler à la mixité sociale des immeubles que nous acquérons.
Quel bilan pouvez-vous dresser de l’action de l’ONV après cinq années d’activité ?
D.L : Fin 2023, l’ONV avait déjà acquis 230 immeubles — soit un par semaine, en moyenne —pour un total de 8 000 logements. Certains observateurs pensaient qu’avec un capital d'un milliard d’euros de fonds propres mis à disposition par Action Logement, nous pourrions aller plus vite. C’était sans compter sur les délais nécessaires à la mise en place de l’ONV, à ses procédures de vente et au lancement du programme d’acquisitions de logements attractifs pour les acheteurs potentiels. Il a fallu aussi procéder aux investissements nécessaires pour proposer aux acquéreurs des logements n’exigeant pas de travaux coûteux dans un délai d’au moins cinq à dix ans. Nous avons également dû faire face à la Covid-19 que personne ne pouvait anticiper. La commercialisation n’a pu débuter qu’en 2021. Ces logements, nous les avons vendus à des locataires Hlm et à des ménages qui logeaient en dehors du parc social, mais étaient éligibles à un logement social pour 96 % d’entre eux. Autre chiffre significatif, 98 %des logements vendus l’ont été à des propriétaires occupants. À la fin 2024,un millier de familles modestes auront pu ainsi devenir propriétaires.
Florence Lourier : Je voudrais ajouter qu’en 2023, l’ensemble des acteurs de la vente Hlm a connu un recul des ventes de 15 % quand nous avons progressé de 7,5 %. Ces résultats, nous les devons à un modèle économique solide qui nous permet de disposer d’un stock de logements vacants significatif et situés dans des zones tendues, là où la demande est forte.
Vous nous dites que dans le contexte actuel les ventes Hlm ont reculé. Quelles en sont les principales raisons ?
D.L. : Il y a une conjonction de facteurs qui ont fait baisser le pouvoir d’achat immobilier des Français en général et des plus modestes en particulier. L’inflation, la remontée du chômage, les faibles perspectives de croissance, la hausse des taux d’intérêt, le resserrement des conditions d’accès au crédit ainsi que des prix de l’immobilier historiquement élevés ont éloigné les publics les plus modestes de la propriété. Je crois cependant qu’il faut relativiser l’impact de la hausse des taux d’intérêt. C’est leur augmentation soudaine de près de 0 à 4 % qui a frappé les acquéreurs. Mais si l’on regarde sur le temps long, les taux actuels, autour de 3 %, ne sont pas spécialement élevés.
Et comment dans ce contexte avez-vous pu continuer à faire progresser vos ventes auprès des publics aux revenus modestes ?
D.L. : Nous avons déjà évoqué notre stock de logements vacants qui nous rend beaucoup moins dépendants que d’autres acteurs du logement social du taux de rotation des locataires. Mais ce serait insuffisant si nous ne proposions pas aussi des prix attractifs inférieurs à ceux du marché et sur lesquels nous appliquons en plus une décote systématique de l’ordre de 20 %. Résultat, nos ventes se font à 25 % auprès des locataires occupants et à 42 % auprès de locataires du parc Hlm.
Le marché de la vente Hlm présente-t-il des signes de redressement ?
D.L. : Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le marché du logement devrait être porté par un appétit des ménages pour la propriété qui ne se dément pas. Mais nous sommes toujours dans une période d’observation où les acheteurs attendent de voir si les prix vont baisser et les vendeurs de savoir si les prix se maintiendront à un niveau élevé. Dans les prochains mois, le marché pourrait se réguler. Il y a des signaux favorables comme la diminution des taux d’intérêt et le desserrement de l’accès au crédit, la maîtrise de l’inflation, l’assouplissement des conditions d’obtention d’un prêt à taux zéro (PTZ).
Qu’avez-vous mis en place pour accompagner les acquéreurs de logements Hlm dans le processus d’acquisition et dans la gestion des copropriétés mixtes ?
D.L. : Les acquéreurs de logements sociaux sont presque exclusivement des primo-accédants qui n’ont pas l’expérience d’un achat immobilier. Nous leur proposons les services de sociétés de courtage pour leur expliquer comment faire le montage financier de leur acquisition et ceux de conseillers financiers qui détaillent les procédures et les démarches à effectuer. Sur la gestion, nous avons beaucoup travaillé afin de rendre abordable le passage du statut de locataire d’un bailleur social à celui de copropriétaire.
F.L. : Dans le cadre d’un protocole de coopération public/public, nous avons opté pour une gestion déléguée au bailleur d’origine afin d’assurer une continuité de service et une proximité tant avec les nouveaux copropriétaires qu’avec les locataires. En ce qui concerne la gestion par les syndics au moment de la mise en copropriété l’objectif est de préserver la qualité de service en pratiquant une gestion responsable et solidaire. Lorsque le bailleur d’origine ne peut pas assurer la gestion d’une copropriété mixte, nous faisons appel à des syndics privés qui doivent signer la charte du syndic responsable que nous avons mise au point. Elle prévoit des engagements réciproques et aligne les pratiques du privé sur celles des organismes Hlm, dont nous considérons qu’elles sont une condition du succès de la vente Hlm. Nous avons également développé des formations en ligne à la copropriété et, ponctuellement, des formations en présentiel pour accompagner les copropriétaires vers leur autonomisation. Là est l’enjeu : nous visons à favoriser leur appropriation du fonctionnement de la copropriété et à prévenir les risques de dégradation.
D.L. : Le développement des formations à la copropriété et les modalités de gestion responsable en place sont liés à notre objectif de zéro copropriété dégradée. Ce point est très important parce qu’il représente une préoccupation forte des élus locaux et des préfets qui, en cas de risque d’évolution négative de la copropriété, sont peu enclins à délivrer des autorisations de vente Hlm.
Quelles seraient à vos yeux les évolutions à envisager pour atteindre l’objectif de 40 000 ventes à l’ONV en 2035 ?
D.L. : La « vente sociale » est désormais un dispositif gestionnaire à part entière pour les bailleurs. En effet, depuis l’accélération du désengagement de l’État dans le financement du secteur, la mise en place de la réduction du loyer de solidarité (RLS) et le resserrement de l’autofinancement lié à une conjoncture économique défavorable, la vente Hlm est une source de financement indispensable. Quant aux cessions en bloc à l’ONV, elles vont continuer à prendre de l’ampleur et devenir une solution complémentaire de la vente à l’unité déjà pratiquée par les bailleurs. Enfin, dans le creuset de la crise,je suis persuadé que les dernières résistances ou appréhensions que suscite encore la vente Hlm vont céder.
Propos recueillis par Victor Rainaldi.
Crédits photos : Bernard Suard - Terra ©