Avantages et limites de la vente Hlm en BRS : premiers constats
La vente de logements sociaux sous la forme du bail réel solidaire (BRS) se met progressivement en place avec la montée en puissance des offices fonciers solidaires (OFS) portés par les organismes Hlm. Ces modalités présentent l’avantage de rendre l’accession plus abordable pour les ménages modestes, notamment dans les zones tendues, tout en préservant la mixité sociale des effets d’éviction par le marché. Dominique Winckler, responsable Vente et copropriété à Est Métropole Habitat, organisme Hlm rattaché à la Métropole de Lyon qui gère 16 000 logements, donne le point de vue d’un bailleur social sur le sujet. Lydia Coudroy de Lille, géographe, professeure à l’université Lumière Lyon 2, qui pilote le projet de recherche intitulé La vente Hlm dans les régions lyonnaise et grenobloise : quelles valorisations, nous livre également ses premières constatations.
Quelle est la place de la vente en BRS dans la politique de vente Hlm d’Est Métropole Habitat ?
Dominique Winckler : Notre politique de vente Hlm a été mise en place en 2011 et nous avons aujourd’hui 26 résidences en copropriété. La vente de logements Hlm en BRS a, quant à elle, commencé bien plus tard. Actuellement, 25 logements d’une résidence du centre-ville de Villeurbanne construite dans les années 1990 sont proposés à des acquéreurs sous le régime du BRS. Nous avons choisi de commencer par cette résidence pour deux raisons : elle était déjà une copropriété mixte gérée par un syndic classique et se situe dans un quartier en voie de gentrification avec un recul de la mixité sociale. L’OFS que nous venons de fonder reste propriétaire du terrain ce qui nous donne la possibilité de proposer des logements jusqu’à 50 % en dessous des prix du marché libre et donc de préserver la mixité sociale. Conscient de cet avantage, le conseil municipal a d’ailleurs décidé, avec l’appui de la Métropole de Lyon, que tous les logements Hlm vendus en centre-ville le seraient en BRS.
Comment vous y prenez-vous pour vendre un logement Hlm en BRS ?
D.W. : C’est le même processus que celui d’une vente Hlm classique. Une fois l'annonce publiée, les locataires d’un logement social dans le département sont prioritaires durant un mois pour se porter candidat. Passé ce délai, la vente s’ouvre à tous les locataires d’un logement social et aux ménages dont les revenus sont sous le plafond de ressources. Mais à la différence d’une vente Hlm classique, il faut aussi faire beaucoup de pédagogie pour expliquer le BRS aux candidats acquéreurs. La dissociation de la propriété du bâti de celle du foncier, et les contraintes qu’elle implique (obligation de conserver le bien à titre de résidence principale, plus-value limitée, etc.), peuvent créer le sentiment de ne pas être un propriétaire à part entière.
Lydia Coudroy de Lille : Ces contraintes, telles que la destination du logement réservée à la seule résidence principale, l’impossibilité de louer le bien, et l’encadrement à la revente qui empêche de réaliser une plus-value, constituent effectivement un obstacle que notre équipe de recherche a observé. La propriété est considérée comme entière par les ménages lorsqu’elle porte à la fois sur le sol et le bâti. C’est une représentation mentale puissante qui entraîne des réticences vis-à-vis du BRS. Outre l’indispensable démarche pédagogique, le bailleur social doit aussi créer un office foncier solidaire (OFS). Enfin, dans les copropriétés existantes, il doit faire modifier le règlement de copropriété par l’assemblée générale, ce qui n’est pas forcément acquis.
Quels sont les avantages et les limites de la vente en BRS pour les collectivités locales et pour les organismes Hlm ?
LCL : D’après les premières constatations que nous avons pu effectuer dans le cadre de notre recherche, le BRS est un outil de négociation utilisé par la Métropole de Lyon pour lever les réticences des communes qui risqueraient de passer sous le seuil SRU en vendant des logements Hlm. En effet, leur sanctuarisation dans le parc social que génère le dispositif OFS/BRS rassure les élus qui ne voient pas d’un bon œil que ces logements, aujourd’hui sociaux, puissent finir, à plus ou moins brève échéance, sur le marché libre et spéculatif — avec pour corollaire la gentrification des quartiers et la rétractation de la mixité sociale particulièrement dans les zones tendues. C’est la raison pour laquelle ce profil de logements Hlm en zone tendue est la cible principale des ventes en BRS.
D.W. : L’intérêt pour les bailleurs est aussi de permettre aux ménages modestes d’accéder à la propriété de logements attractifs en centre-ville. Mais ce n’est pas un outil miracle. Si les prix de cession sont inférieurs à ceux des ventes Hlm classiques, et très inférieurs à ceux du marché libre, la médaille a un revers : ces prix bas ne procurent pas suffisamment de ressources aux organismes Hlm pour financer des constructions neuves et réhabiliter l’existant à la mesure des besoins. Il paraît donc nécessaire de limiter le BRS aux logements attractifs de centre-ville et de laisser les organismes poursuivre les ventes classiques qui assurent un meilleur autofinancement des opérations de production et de rénovation.
LCL : Les bailleurs sociaux que l’équipe de recherche a interrogés confirment que les ventes en BRS leur rapportent moins de ressources que les ventes classiques. Ils estiment également que la vente en BRS est un sujet complexe sur les plans technique et juridique, ce qui explique qu’ils avancent prudemment dans la mise en œuvre de ce nouveau régime de propriété.
Peut-on tirer un premier bilan des ventes en BRS ?
D. W. : C’est encore trop tôt, nous n’avons qu’une seule résidence en vente et trois compromis signés début mars.
L.C.L. : Nous manquons effectivement de recul pour faire un bilan, mais le BRS paraît être un outil utile pour les locataires de logements sociaux inscrits dans une trajectoire résidentielle ascendante d’accession à la propriété qu’ils ne pourraient pas se permettre sans ce dispositif.
Propos recueillis par Victor Rainaldi.
Crédits photos : Arnaud Bouissou - Terra ©